jeudi 15 septembre 2011

Voyage : n.m. ; 1. Déplacement d’une personne qui se rend en un lieu assez éloigné ; 2. Course que fait un chauffeur, un porteur, pour transporter quelqu’un ou quelque chose ; « Un voyage suffira (ou pas) » Marthe Charlery



« Alors comment c’était ? » « Quel est le pays que t’as préféré ? » « T’as bien aimé ? » « C’est fini ? » « T’en as pas eu marre ? »

Toutes ces phrases au passé… Non madame, ce n’est pas fini. Le pays que je préfère ? Aucune idée, je ne les ai pas tous vus ! J’adore ça et non monsieur je n’en ai pas marre.

C’est dur d’expliquer aux gens le mot VOYAGE. Pour quelques uns, c’est un séjour qui dure un certain temps. Pour d’autres, rien que le mot voyage leur fait pousser des petits cris d’exclamation. Mais à aucun n’est venue cette idée là : les voyages ne s’arrêtent pas ! On a commencé le notre en déménageant à Courbevoie. Première destination, premières rencontres, première fois que l’on comprend ce que nouveau veut dire. Le voyage a commencé mais personne n’a appuyé sur PAUSE ou STOP. C’est vrai, c’est difficile. C’est vrai, c’est un grand changement. C’est vrai, ce n’est pas toujours drôle. Mais c’est vrai aussi : c’est indispensable.

Papa et maman s’en sont  aperçu bien avant nous, bien avant moi. C’est pourquoi après Courbevoie, succédèrent Lille, Paris, Gênes, Paris, Buenos Aires, Chili, Bolivie, Equateur, Colombie, Mexique, Etats-Unis, et Paris. On nous félicite, on nous croit fous ou on ne nous croit pas. C’est pourtant simple : un zeste de courage, une envie gigantesque de découvrir, croire en soi et ne pas réfléchir trop longtemps. Partir sur un coup de tête simplifie souvent les choses !

Aujourd’hui, un peu plus prudents, on a déniché la télécommande, et on, enfin j’ai appuyé sur PAUSE. La télécommande s’est éclipsée quelques minutes plus tard (comme par hasard)… et maintenant, on a tous la même question au bout des lèvres ; « Est-ce qu’on a bien fait ? » Comme on ne peut pas faire marche arrière et que la télécommande a mystérieusement disparu, on se tait et on affronte la réalité. Foutu destin ! A mon avis, il y a quelqu’un là-haut qui nous surveille et, trop fatigué pour continuer à nous suivre et en manque de remplaçant (c’est sûr qu’en Août, c’est pas facile), il n’a pas trouvé mieux que de nous arrêter. Je dis ça mais je ne peux en vouloir à personne puisqu’il n’y a pas très longtemps, je n’avais qu’une idée en tête : rentrer. Et maintenant plus ça va et plus je suis incapable de savoir exactement ce que je veux vraiment. On m’avait prévenue : à force de dire que la France c’est mieux, et qu’à Paris tout marche farpaitement  je tomberai des nues en rentrant pour de bon. J’ai toujours nié ce fait et maintenant c’est bien fait pour moi ! C’est en rentrant pour de bon que je me suis aperçue de ça et ce que j’avais essayé d’éviter ou de contourner m’est arrivé en plein dedans : la REALITE.

Plusieurs perspectives m’ont été proposées. J’en ai utilisé 2 : vue d’en haut et vue de côté. La vue d’en face ne m’intéressait pas, malheureusement je n’ai pas eu le choix. POUM ! T’en voulais pas ? Pas grave ! Allez tiens ! Oh et puis si ça peut débarrasser ! Aller tiens que j’t’en donne ! Mon cerveau est rempli à bloc ! Enfin ! On est là et quoi qu’on dise, on est contents d’être là. Ce que je vais faire maintenant va et peut paraître ridicule mais c’est indispensable car c’est grâce à eux que nos yeux ont bien voulu regarder : DANS LA VIE, CE N’EST PAS L’ARGENT QUI FAIT LA DIFFERENCE MAIS LA MENTALITE ET SOUVENT LES MOINS AISES SONT LES PLUS GENTILS, LES PLUS OUVERTS. CE SONT CEUX QUI NE VOIENT PAS DE DIFFERENCE. Alors je vais citer petit à petit tout ceux que l’on a rencontrés pendant notre périple de 8 mois, en leur disant merci !

J’en oublierai sûrement, ne connaissant pas leurs noms ou tout simplement, en les oubliant. Mais qu’ils sachent que ce n’est pas fait exprès !! Donc merci à :

Manu et Laure évidemment, Pilar qui nous a accueillis à Cordoba, Christoph et Mariela, Tom et Susan leurs amis suisses, à toute l’équipe de Bahia Bustamante, Romney et sa petite famille (merci pour l’apéro de Papa au diesel), Johan, Christina, Alain et sa femme, Marie et Machin, tous rencontrés à Ushuaïa, Julie, Bastien, Loïc, Yann, voyageurs ostéo rencontrés sur le bateau du sud chilien, Rodrigo, Carolina, pour un diner sur la plage au « piscola »,  le monsieur de « JUMBO», Marc et sa famille à Valparaiso, le monsieur qui nous a envoyé un message à Santiago, les familles chiliennes de San Pedro de Atacama, Nathalie & Laurent, voyageurs savoyards, le copain acrobate de Joseph, sa femme et son bébé, le Benjamin P’tit Mougin, merveilleux toubib rêveur et idéaliste, Pascal et Marie, les fous du volant, Rodrigo notre guide, Felicidad, Don Alberto et Miguel pour leur accueil incroyable à Sucre, Dona Francisca et son art du rouet, Coca, Arturo à Potosi, Patricia à Oruro, son papa, son mari, et son fils Pablo, Jérôme, Helga, sa maman et leurs enfants, solide famille–étape à La Paz, Térence, Mathilde et leur Capitaine Voyageur, Marc, Ronny, Benoît, Odile et leurs deux filles, géniaux messagers de cadeaux péruviens pour Valentine, Laurens & Lot, André, Isabelle et Guy à Lima, Corinne à l’Alliance Française, Michael, Trish, Chetty leur chienne, amis pour la vie, Elodie & Julien, témoins d’une manœuvre malencontreuse qui faillit nous coûter un pare-choc,  Tia Luchi et Pablo pour leur accueil merveilleux à Cuenca, Daniel (et Grande Jeanne à distance), Andony, Gérald, Juana et toute sa famille, pour leur accueil merveilleux à Quito (normal, ce sont les meilleurs copains de Luchi et Pablo !), Jaime et Juana à Salento, pour leur joli bar et leur musique géniale, Les Lacombe à Bogota, Bruno, Don Enrique, Dona Isabel, Maria-Cristina, Jonathan, Irene, Duncan, à Mompox, Pedro, le policier de Mompox, Les Pierrot-Zago, Luis Enrique, Maria-Cristina (vive Tecolote !), Wojtek, Andrès, Anaïs, Maxime, Raphäel, et leur accueil inimaginable, Mary, Bella, Victor, le Super-coiffeur de Campeche, Nicole, son mari et leurs enfants, voisins du Conquet rencontrés à Tulum, Gabriela à Puerto Escondido, les gens du garage Ford de Oaxaca et de Mexico, les femmes de la coopérative de papier à San Cristobal, la femme italienne, le potier à côté de Oaxaca, le chauffeur de taxi de Puebla, Gabriela, son mari, leur petite fille et leur magnifique maison de Valle, Paloma, Elise à Mexico, Jacqueline, Gérard et Rolling Poupette, leur super roulotte, Eric Davis et sa bande du Kingston Mine à Chicago, Jim et Victor, Jacinta, Sofia à New York, sans oublier nos formidables visiteurs Domitille, Maïa et Grand-Papa (l’équipe d ‘assistance technique en métropole), Hilary, Antonia, Céleste, Constance, Fred, Valentine et Chloé, et pour finir, nos super LECTEURS ET MEMBRES DU BLOG !!!

Vous n’y êtes sûrement pas tous, et ça me gêne, mais si je me suis souvenue de la plupart d’entre vous, c’est que vous êtes mes plus beaux souvenirs du voyage !

Merci à tous encore mille fois et à notre prochain voyage (quand j’aurai retrouvé la télécommande !) !!

dimanche 4 septembre 2011

Atterrissage


Le temps a filé et nous voilà déjà à la veille de la rentrée avec nos devoirs de vacances bien en retard : nous avons promis de terminer le feuilleton, voilà qui est donc fait !


Nous avons laissé le blog après une soirée mémorable entre Broadway et Time Square, le jeudi 21 juillet. Vendredi 22, journée « tranquille » : nous retrouvons chez Macy’s Fred Durand et ses filles Chloé et Valentine qui reviennent de Summer Camp avant de préparer un diner pour 15 personnes à la maison ! L’appartement de Jacinta est vraiment agréable, et nous en profitons pour recevoir à New York, c’est très chic ! Il y a donc Martine et Roger, Constance et Céleste, Hilary et Antonia, Fred, Chloé et Valentine, sans oublier bien sur notre Miss Liberty, Domitille !

Samedi, alors que Martine et Roger vont faire des frais à une vieille amie, nous préparons notre dernière soirée en famille : après un conséquent T-Bone dans une Steakhouse, nous montons en haut de l’Empire State, de nuit – le spectacle est féérique, et nous confirmons notre faible pour le Chrysler Building, dont les écailles brillent dans la nuit – les gardiens sont très impressionnés (et un peu inquiets) de voir Martine monter les 6 derniers étages à pied car la queue était interminable ! Puisque toutes les bonnes choses ont une fin, nous accompagnons Domitille, Martine et Roger à l’aéroport de Newark le lendemain, non sans avoir fait une nouvelle tentative infructueuse à Harlem pour assister aux fameux offices de Gospel – cette fois, nous nous y prenons à l’avance, mais pas encore assez – et puisque l’accueil est digne de l’entrée au Stade de France avec des « stewards » à chaque coin, nous renonçons une fois encore, finalement pas mécontents d’échapper aux marchands du temple. Les parents profitent de leurs dernières heures pour visiter le Fondation Frick, mais seuls car on ne veut pas laisser entrer Joseph dans le musée ! Interdit aux moins de 10 ans !

L’appartement nous paraît bien vide désormais, et nous ralentissons un peu le rythme – on renonce par exemple à l’escapade a Washington pour mieux profiter de l’ambiance new yorkaise. Dans ces quelques derniers jours qui nous permettront de retourner au Met (re)voir l’expo d’Alexander McQueen (et les inoubliables Rodin et Giacometti de la collection permanente) ou au Planetarium du Museum pour une explication en anglais du ballet des étoiles… Nous en profitons pour nous prendre pour des New Yorkais : coiffeur local, recherche des bons plans pour les courses (ah, le magasin Converse !) et pique nique sur la fameuse Sheep Meadow de Central Park – nous passons aussi avec émotion devant LE magasin Steinway, et nous entrons résolument dans le palais Lego du Rockfeller Center – le dragon jaune qui parcourt tout le magasin nous impressionne tous et Joseph fait de gros péchés d’envie ! Mais le véritable choc de cette dernière semaine sera le musée des pompiers de Soho – nous y allons à pied depuis la maison (c’est vraiment très chic !), à travers Soho et le Village et nous sommes accueillis par de très belles voitures de pompiers des siècles derniers, avant de découvrir la salle dédiée aux pompiers victimes du 11 Septembre – ouf, quel choc. Les photos, les souvenirs, les vidéos, les noms de ces héros qui sont montés pour chercher à sauver des vies nous secouent. Nous ne sommes pas les seuls d’ailleurs puisque la salle propose discrètement des mouchoirs pour essuyer les larmes des visiteurs. Peut être plus encore qu’à Ground Zero où l’on vit désormais résolument tournés vers l’avenir comme en témoigne le chantier, nous réalisons le choc que les attentats ont représenté pour les Américains et l’hébétude qui a suivi. En rentrant, nous passons aussi devant un mémorial improvisé mais désormais institutionnalisé : le grillage d’un petit terrain vague sur la 7ème avenue est constellé de carreaux de céramique peints comme des ex voto, souvent par des enfants, et nous reprenons une bouffée d’émotions…

Nous clôturons notre séjour par une balade d’adieux à Hilary et Anto – d’abord, direction le Zoo de Manhattan car Joseph veut absolument voir Marty, Gloria, Mailmann et Alex, les animaux héros de Madagascar – peine perdue, il n’y a ni girafe hypocondriaque, ni hippopotame rebondi, ni zèbre excité ni même l’ombre d’un lion showman… Mais les adieux à Hilary et Anto sont émouvants, car nous ne les retrouverons sûrement pas avant un an (les filles ont décidé qu’elles étaient « correspondantes »). C’est après un tour sur un merveilleux carrousel, toujours dans Central Park que nous nous disons adieu, non sans une certaine émotion…

Voilà, nous reprenons l’avion le dimanche 31 avec armes et bagages, dans un dernier tourbillon qui nous évite de penser aux prochaines semaines, et Fred qui est rentrée avec ses filles depuis deux jours nous fait le génial cadeau de venir nous chercher à Roissy à 6h du matin… Il est bien difficile de donner déjà un bilan de notre aventure, il va falloir laisser tout cela décanter, comprendre quels ont été les faits les plus marquants, les lieux les plus enchanteurs, les gens les plus frappants, les villes les plus folles, et en même temps reprendre le cours d’une vie un peu plus ordinaire. Mais une chose est certaine, nous ne pouvons que remercier mille fois tous ceux qui nous ont suivis et aidés, et surtout tous ceux que nous avons croisés, rencontrés et découverts et qui nous ont ouvert le chemin de leur maison et de leur amitié. Marthe qui avait ouvert ce récit par un premier article sur le blog se chargera de le clore avec ses propres impressions dans les prochains jours, et de notre côté, pour l’instant, seuls ces quelques vers de Baudelaire nous viennent à l’esprit, à la fois pour illustrer nos états d’âme et continuer à faire briller les étoiles dans nos yeux – nous en changeons simplement l’ordre pour leur donner le sens qui nous convient !

« Amer savoir, celui qu'on tire du voyage !

Le monde, monotone et petit, aujourd'hui,

Hier, demain, toujours, nous fait voir notre image :

Une oasis d'horreur dans un désert d'ennui !
(…)
Ô Mort, vieux capitaine, il est temps ! levons l'ancre !

Ce pays nous ennuie, ô Mort ! Appareillons !

Si le ciel et la mer sont noirs comme de l'encre,

Nos coeurs que tu connais sont remplis de rayons !

Verse-nous ton poison pour qu'il nous réconforte !

Nous voulons, tant ce feu nous brûle le cerveau,

Plonger au fond du gouffre, Enfer ou Ciel, qu'importe ?

Au fond de l'Inconnu pour trouver du nouveau !
(…)
Mais les vrais voyageurs sont ceux-là seuls qui partent

Pour partir ; coeurs légers, semblables aux ballons,

De leur fatalité jamais ils ne s'écartent,

Et sans savoir pourquoi, disent toujours : Allons !  »

vendredi 22 juillet 2011

Tous les visages de l’Amérique


Nous avons donc laissé le blog à notre arrivée à New York il y a une bonne semaine.

Après une nuit passée chez Jim, le frère de Mike, à ranger le camping car, nous partons pour Manhattan où nous nous installons avant de filer à JFK chercher Martine, Roger et Domitille. A peine remis du décalage horaire, nous partons à l'assaut des trottoirs encombrés et pleins de surprises. D'abord il y a la foule, dense comme nulle part ailleurs à part peut être à La Paz. Nous retrouvons une forme de latinité au milieu des gratte-ciels : les gens traversent n'importe où, les rues sont assez sales et il y a beaucoup plus de homeless et surtout de gens paumés et détruits par la drogue qu'ailleurs.

Nous voila donc partis pour un pique-nique jazzy à Washington Square puis une balade à travers Greenwich Village, Soho et l'East Village - pas de tours autour de nous, seulement ces petites maisons en briques avec leurs perrons, c'est magnifique et aussi amusant car on se croirait dans un Woody Allen. Nous terminons notre après midi sur la High Line, très jolie promenade aménagée le long de l’Hudson River sur une ancienne voie ferrée, comme la coulée verte à Paris. Une différence notable cependant : il y a du mobilier de jardin à disposition, et Jeudi 14 nous commençons le tour des musées par le Guggenheim dont l'intérêt est encore plus dans le bâtiment que dans la collection. Apres le musée, pique-nique à Central Park, Martine mange son premier Hot Dog moutarde ketchup, les enfants rigolent du spectacle !

Vendredi, après une bonne balade sur le pont de Brooklyn, dans le sud de Manhattan et une émouvante visite à Ground Zero, nous espérons profiter de la gratuité du MOMA en fin d’après midi, mais la queue fait le tour du « block », c’est donc partie remise pour le samedi matin. Nous commençons par une expo de Francis Alÿs, grand vidéaste contemporain, que nous avons découvert au Pérou grâce à Laurens, un jeune Belge qui fait une thèse sur lui. La collection est dingue, le musée fatigant et nous terminons par un petit repos dans le jardin des sculptures, au milieu des Maillol, Henry Moore, Rodin, Matisse, Giacometti, sans oublier une ridicule installation de Yoko Ono (un ficus sur lequel on peut accrocher des étiquettes après y avoir inscrit un vœu personnel) qui n’a rien à faire au milieu de ces chefs d’œuvre – il semble que ce soit juste une généreuse donatrice du musée… Nos journées sont épuisantes mais très riches – et il fait de plus en plus chaud (on atteint les 100°F aujourd’hui…).

Dimanche, après avoir retrouvé avec joie Constance, la marraine de Joseph, et sa fille Céleste, c’est l’occasion d’aller à un service baptiste à Harlem pour écouter les Gospel – là aussi, la queue est immense, nous nous rabattons donc sur une autre église où le show est complet et un peu forcé : une fille entre en transe en se trémoussant, le pasteur harangue la foule pour augmenter les dons des fidèles (l’église s’appelle d’ailleurs Grand Refuge Church, Inc. – rien à voir avec une organisation à but non lucratif !) mais il y a quand même une belle ferveur. Et puis Roger qui se promenait en regardant le ciel bute sur une grille et tombe sur les bras. La douleur augmente avec la journée et nous décidons finalement de partir à l’hôpital du quartier après le dîner : bilan, une petite fêlure au radius, qui nécessite quelques précautions mais pas de plâtre heureusement. C’est donc l’occasion d’expérimenter le fameux système de santé américain, et nous sommes très surpris : la qualité du service est évidemment très bonne, le personnel charmant et professionnel alors qu’il est minuit un dimanche soir, mais surtout les soins seront gratuits, y compris la radio – l’hôpital, pourtant privé, adhère au programme Medicaid d’Obama et chacun a droit gratuitement à un diagnostic incluant les radios et à un traitement de stabilisation – c’est ce dont nous avions besoin. En revanche, pour voir un médecin et faire traduire une ordonnance pour les antihistaminiques d’Eléonore, il aurait fallu débourser 180$ !

Les journées continuent  à se succéder à un rythme effréné : lundi, après la désormais traditionnelle leçon de latin avec Marthe, nous nous promenons à Little Italy et Chinatown avant un diner réjouissant avec Jean-Philippe Delhomme, l’ami des Martine et Roger grâce auquel nous avons trouvé l’appartement. Mardi, je dois encore retourner dans le Queens m’occuper des papiers  du camping-car avant de retrouver toute la famille qui sort du Met et de l’exposition sublime de Alexander Mc Queen. Les deux grandes, Marthe et Domitille, ont le droit de se promener ensuite toutes seules dans Manhattan, c’est la folle liberté, elles filent bien sûr chez Abercrombie avant de rentrer en métro. Après 2 ans de prison dorée à Buenos Aires, c’est la joie. Jeanne part retrouver sa copine Antonia qui l’emmène voir le Roi Lion à Broadway ! Pendant ce temps, nouveau dîner, nous recevons Jim qui nous a accueilli et qui a hébergé le camping car, que je laisse d’ailleurs le lendemain au Port de Newark – c’est amusant de voir le côté « working class » des Etats Unis, au delà du glamour de Manhattan. Au port, les camionneurs sont tatoués, gros bras, barbus et prennent leur déjeuner dans la caravane du vendeur de hot dogs arménien qui branle à l’entrée de la zone industrielle… Finalement, le cinéma continue !

Mercredi après-midi, Hilary, la maman d’Antonia, nous emmène visiter le Museum d’Histoire Naturelle, très proche de son équivalent parisien, mais avec un planétarium qui expose des photos du sol lunaire, on s’y croirait, c’est très émouvant – Joseph s’enthousiasme d’ailleurs devant une pierre de lune. Après une petite visite à Kate Lehmann, la voisin de la rue du Bac, dans son très joli atelier du Lower West Side, nous ramenons la ribambelle à la maison avant de ressortir pour une soirée entre adultes au Village Vanguard, LE club de jazz où tous les plus grands ont enregistré un album Live : on coche les cases !

Jeudi, journée épuisante sous une chaleur humide qui nous essore, à la statue de la liberté, avec Constance et Céleste, avec hommage à l’arrière grand-père de Constance, ambassadeur de France aux Etats Unis qui a commandé la statue : photo obligatoire devant le buste ! Paradoxalement, c’est à la statue de la Liberté que les contrôles de sécurité sont les pires, comme dans les aéroports, mais la symbolique reste très forte : cette statue offerte par la France mais qui défie le vieux monde  accueillait les immigrants arrivant à Ellis Island il y a un siècle. Nous visitons d’ailleurs ensuite le musée de l’immigration, très émouvant car on imagine le sort de tous ces pauvres hères des troisièmes classes (les plus riches avaient un traitement de faveur). Retour à la maison pour une petite sieste avant de repartir pour Broadway : nous allons tous ensemble voir Mamma Mia – bonne surprise, nous avons des loges, on se croirait à l’opéra au XIXème siècle ! Les quatre filles, Domitille, Céleste, Marthe et Jeanne, ont leur propre loge où elles dansent pendant tout le spectacle. Martine et Roger découvrent Broadway et Mamma mia, ils sont ébahis par l’énergie, les costumes… Nous terminons la soirée par un autre mythe, Times Square, de nuit, au milieu des néons et des écrans géants. Les enfants auront même droit à leur quart d’heure de gloire : un magasin propose de se faire prendre en photo avant d’afficher la photo pendant 15s sur le plus grand écran de Times Square, 15m par 10 au moins – c’est le délire !

jeudi 14 juillet 2011

New York, New York…


Cette fois, nous y sommes ! Au bout de sept tout petits mois de voyage, nous sommes donc entrés aux USA par la fameuse frontière de Tijuana – après quelques minutes de stress (les indications sont limitées et les candidats au passage nombreux, qui s’accrochent au camping-car soit disant pour nous montrer le chemin…), nous sommes passés comme des fleurs, grâce à une erreur d’aiguillage stratégique : nous étions dans la file des frontaliers, impossible d’en sortir, nous avons donc bénéficié du même traitement – comme nos passeports étaient déjà tamponnés depuis la virée californienne, et qu’il n’y a aucune procédure pour l’importation de véhicules (incroyable d’ailleurs), la frontière nous a pris un quart d’heure.

Du coup, et d’un coup, nous changeons de monde en l’espace de 200 mètres, et c’est frappant et presqu’angoissant : le mur qui sépare les deux pays rappelle vraiment le mur de Berlin, l’entassement, la fumée, le bruit, la foule d’un côté, les cottages, les terrains de golf et l’opulence de l’autre. C’est un bref résumé du monde qui nous saute aux yeux, et comme nous nous le disons depuis le début du voyage, nous avons de la chance « d’être nés du bon côté de la rivière ».

Première nuit à San Diego donc – on nous avait prévenus : aux Etats Unis, on ne dort pas dans la rue, et nous ne tentons pas le diable donc. Direction : le premier RV Park venu, où nous découvrons, sidérés, que les américains sont les rois du camping-car (on en croisera des millions sur les routes), et du gigantisme. Elliot fait figure de nain à côté des bus aménagés, qui s’ouvrent sur les côtés pour créer plus d’espace à l’intérieur et où les écrans géants sont branchés sur le câble. On fête notre entrée aux Etats Unis par un petit restau, le premier d’une longue liste de déconvenues ! Ils savent faire plein de choses, mais vraiment pas la cuisine…

Le lendemain, nous passons par le très fameux zoo de San Diego, un peu décevant, à part la piscine géante où un ours blanc joue au water polo, puis nous prenons la route pour Las Vegas. Le turbo tient, malgré une petite fuite d’huile, et nous arrivons à la nuit tombée au Circus Circus, le seul complexe hôtelier du coin avec RV Park – nous irons d’ailleurs à l’hôtel, ça coûte moins cher qu’un emplacement de camping ! Nous ne resterons que 24h à Las Vegas, nous sommes tous effrayés par la ville, son côté sordide : on s’attendait à un grand délire mais tout cela se prend terriblement au sérieux – le comble est  quand même la promenade en gondole sur un grand canal  de pacotille sous un ciel en carton pâte, dans une galerie commerçante climatisée, avec un gondolier qui chante Ô Sole Mio ! Le tapis roulant sur le pont des soupirs avec la tour Eiffel en arrière plan n’était pas mal non plus…
Aaah, Venise !

Nous faisons donc rapidement route vers l’Est pour visiter quelques parcs avant de retrouver Mike et Trish. Et cette fois, la magie opère vraiment : arrivée au Grand Canyon pour le coucher du soleil (le gardien du RV Park ouvre des yeux comme des soucoupes quand on lui demande s’il lui reste un emplacement : « vous n’avez pas réservé ??? »), nuit au calme sur un parking (comme quoi, c’est possible même aux Etats Unis) et puis promenade le long de Desert View le lendemain matin – absolument magique, on a beau l’avoir vu cent fois en photo, c’est sidérant. Nous croisons aussi un immense cerf, un elk en réalité, que Jeanne identifie immédiatement comme le Dieu cerf de Princesse Mononoké, son film fétiche. La journée sera vraiment riche car nous poursuivons jusqu’à Monument Valley, où nous arrivons aussi pour le coucher du soleil – c’est encore plus scotchant que la veille car la lumière rasante  embrase les roches rouges, waouh… On se réveille à 5h pour voir le lever du soleil et puis départ pour une excursion sur le site : on a finalement choisi cette solution pour épargner un peu les pneus et les amortisseurs d’Elliot, pour éviter de casser l’artisanat mexicain sur les cahots, et parce que les guides peuvent nous emmener là où on ne pourrait clairement pas aller. On a eu raison : le guide navajo nous emmène voir des arches gigantesques où le son de sa flûte résonne, des peintures rupestres de ses ancêtres, et nous montre les petites maisons en terre où il a grandi avec ses grands-mères. C’est sympathique car il est à la fois très moderne (lunettes chic, i-Pod et compagnie) et emprunt de ses traditions : il nous parle avec bonheur de son enfance (il n’a pas 30 ans), lorsqu’il dormait entre deux peaux de mouton et où il devait faire 3 miles à pied pour aller chercher de l’eau. Monument valley restera un grand moment d’émotions pour toute la famille.
Ensuite, direction Bryce canyon, par une petite route qui serpente dans une vallée verdoyante, à peu de kilomètres du désert pourtant. Le canyon est très beau et nous décidons de faire une petite marche sous le soleil : deux heures de promenade entre les pitons rocheux qui passent de l’ocre au rose – Jeanne et Joseph font excellente figure, partent devant en tong et en nous laissant les bouteilles d’eau. Ils arrivent vaillamment en tête, sous le regard étonné et vaguement inquiet de quelques familles qui les croient perdus !

Nous reprenons encore la route en traversant l’Utah (Mike nous avait prévenu : en Utah, mieux vaut acheter sa bière avant d’entrer dans l’Etat, mais en revanche on peut se marier trois ou quatre fois, en même temps !) – les paysages sont magnifiques, il y a d’autres canyons méconnus mais immenses, sous un ciel orageux c’est grandiose, et nous arrivons le lendemain à Salida (prononcer « Selyda »), Colorado, où nous attendent donc Mike, Trish et Chettie leur adorable chienne. La ville est très jolie, très active malgré ses 5000 habitants, et nous sommes ravis de faire une pause dans la vraie Amérique après avoir traverser la Californie, l’Arizona et l’Utah au pas de course. Et puis c’est formidable de retrouver ces amis très chers croisés à Lima. Leur maison est charmante, nous sommes accueillis comme des rois (nos premiers vrais hamburgers au barbecue avec une Root beer !). Et puis nous sommes le 4 juillet : les américains ont gentiment décidé de tirer des feux d’artifice pour l’anniversaire de Marthe ! Ils n’hésitent devant rien !

Le lendemain, balade à vélo dans la ville, visite de la ferme de truites pour les enfants, Eléonore et Trish pendant que Mike m’aide à réparer (ou plutôt que je l’aide à réparer…) la fenêtre avant du camping-car : un matin en Baja California, nous avons oublié de la fermer, elle s’est envolée sous la pression du vent et nous n’avons même pas songé à nous arrêter en entendant le « boum » de son explosion… Nous construisons donc une fermeture blindée en bois et en métal, grâce à l’aide de la petite entreprise que Mike possédait et qu’il avait vendue avant de partir en voyage il y a deux ans. Le résultat est spectaculaire : si les dockers ou les marins veulent vraiment entrer dans le camping car pendant le transport du mois d’août, ils passeront clairement par ailleurs ! On en profite aussi pour visiter l’armurerie du coin, tenue par des évangélistes-chrétiens « pro life » ultra républicains, qui détestent Obama… c’est édifiant… Mike rigole en les provoquant : c’est sûr que c’est à Salida qu’il y a le plus de délinquance (personne ne songe à fermer sa maison ni à attacher son vélo). Nous quittons Salida le lendemain, tristes de laisser Mike et Trish, mais contre moultes promesses de visites réciproques, toujours vers l’est.

En deux journées (longues), nous rejoignons les faubourgs de Chicago. Heureusement, nous faisons du latin Marthe et moi, pour rattraper un an et demi de cours en deux mois !

Nous arrivons donc près de Chicago et nous décidons de camper pour ne pas arriver en ville à la nuit – bien nous en prend car nous apprendrons ensuite que les Wall Mart du centre ville n’acceptent pas les camping-car. Au camping, incroyable coïncidence : nous stationnons à côté de Gérard et Jacqueline, un couple de français retraités, anciens de la Martinique, super sympas, qui voyagent maintenant aux USA avec leur grand « trailer » et leur pick-up, et qui avaient rencontré Manu et Laure il y a 2 ans près de Salt Lake City ! Nous passons une soirée bien arrosée à nous raconter avec joie nos aventures, pendant que les enfants font griller des marshmallows sur le feu. Le lendemain (vendredi dernier 8 juillet), nous arrivons à Chicago.

On stage !
Comme il ya 20 ans, nous tombons immédiatement sous le charme de cette mégalopole à taille humaine, de ce skyline extraordinaire, de son énergie, de ses parcs, de son architecture, de son chic. On ne restera que 24 heures, juste le temps de redécouvrir la ville. Nous commençons par une promenade sur le Magnificent mile puis dans le parc du Millenium où une sculpture métallique réfléchissante et déformante nous enchante et où un concert classique en plein air attire des milliers de personnes. En fin de journée, soirée « Blues » au Kinstone Mines, le bar de blues où il faut aller et où Joseph se fait kidnapper par le guitariste-chanteur, Eric Davis, qui l’emmène sur la scène pour le faire jouer avec lui devant un public conquis, suivi d’une nuit dans une allée où nous croisons un coyote puis une bande de 200 joyeux étudiants qui font une virée en mobylette. Le lendemain, promenade à vélo le long des berges du lac Michigan et déjeuner panoramique au 95ème étage de la Hancock Tower ! Waouh ! On retournerait vivre à Chicago sans la moindre hésitation (en tout cas l’été !).

Et puis voilà, nouvelle route de deux jours à travers l’Illinois, l‘Indiana, l’Ohio et la Pennsylvanie pour arriver chez Jim, le frère de Mike, dans le New Jersey, où nous allons laisser le camping-car pendant notre séjour à New York et en attendant son embarquement. L’accueil de Jim est super, il nous prépare un curry indien pendant que nous rangeons et vidons le camping car, avant notre dernière nuit à bord… Snif, le voyage est fini, nous versons une petite larme en laissant Eliott derrière nous pour aller chercher Martine et Roger qui arrivent avec Domitille, la grande copine de Marthe, pour une séjour New Yorkais qui s’annonce bien rempli !

mardi 28 juin 2011

Ça marche !

Enfin, nous voilà repartis… Après deux semaines d’immobilisation, le camping-car est enfin réparé et nous avons repris la route illico car, comme nous le disions dans le précédent article, ça commence à être juste : nous avons 7000km à faire en 19 jours pour arriver en temps et en heure à New York – autant dire qu’on a eu raison de faire cette petite parenthèse en Californie parce qu’on ne va pas pouvoir y retourner ! Nous sommes malgré tout partis vers Guadalajara, c’est à dire vers le Nord Est de Mexico, de manière à passer en Basse-Californie pour remonter jusqu’à Tijuana et entrer aux Etats Unis par San Diego et filer vers Las Vegas – en effet, même si le détour est très important, tout le monde nous déconseille de passer par le route directe qui coupe le Nord du Mexique, soit par Monterrey (pas terrible), soit par Ciudad Juarez (encore moins terrible), les narcos sont trop actifs par là bas…

Il y a donc maintenant deux bonnes semaines, nous attendions que le soit-disant expert des turbos mandaté par Ford finisse sa réparation pour repartir – mais patatras, la réparation n’a rien donné. Nous avions donc parié sur la réparation et perdu le pari : verdict imparable, il fallait commander un turbo en Europe, 8 jours de délais. Nous n’hésitons pas une seconde : le temps court trop vite, et nous ne voulons pas passer une autre semaine à Mexico malgré l’accueil de Cristina et Wojtek. La magie d’internet et des low-cost nous permet de trouver des billets bon marché pour San Francisco, retour par Los Angeles. Billets pris à 23h le lundi, départ à 13h le mardi, c’est du vite fait – le temps de faire une petite valise (une valise pour 5, les douaniers ont du mal à nous croire !) et nous sautons dans l’avion.
Arrivée à San Francisco mardi dernier 14 juin : le choc culturel après 6 mois d’Amérique Latine est très amusant ! Les enfants sont épatés, la ville est magnifique, les points de vue imparables. Après une première nuit tranquille nous partons à la découverte des différents quartiers, Chinatown en particulier où nous visitons un temple bouddhiste – après tout ce baroque latino, c’est rigolo, et très beau aussi. Nous avons l’impression de passer à chaque instant d’un coin de la planète à un autre, entre les playgrounds remplis de petits asiatiques, les restaus italiens où les serveurs parlent napolitain, les allumés trash qui se baladent dans les rues avec un look très étudié (ils sont finalement très conventionnels dans leur rébellion !), les clochards blacks hilares quand on leur donne une pièce et les chauffeurs de taxi, tous latinos. Nous avons de la chance avec le temps, pas de brume cette semaine, grand soleil sur le Golden Gate que nous traversons à pied, mais il fait quand même très froid – comme disait Mark Twain : « l’hiver le plus froid que j’ai jamais passé, c’est un été à San Francisco » ! Deuxième journée à San Francisco, entre musées et shopping, puis retour à l’hôtel. Nous avons adoré la ville, magnifiquement située et construite, mais clairement, avec trois enfants, on ne se sent pas les bienvenus – c’est une ville bobo pour DINKs, les fameux « Double Income No Kids ». Marthe trouve que la caissière de chez Gap « a une voix de grosse fumeuse » et il faut que je lui explique que c’est plutôt « un gros fumeur »...

Nous partons donc le vendredi matin pour le parc de Yosemite, dans une voiture de location (quel silence après le camping car !) – après une bataille pour trouver une chambre d’hôtel, nous faisons un tour dans le parc au coucher du soleil – cela nous rappelle le Torres del Paine chilien, même montagnes de granit. Le lendemain, samedi, balades dans le parc : à pied d’abord, dans les hauteurs, au milieu de la neige – nous devons franchir des ruisseaux pieds nus – au début, ça rafraichit, ensuite c’est froid, et finalement ça fait mal ! Les caisses en métal blindé pour empêcher les ours de sauter sur la nourriture et d’ouvrir les voitures comme des boîtes de conserve ne sont qu’à moitié rassurantes – après 6 hamburgers en 3 jours, le pique nique est bienvenu, et nous redescendons avec l’intention de louer des vélos dans la vallée… Mauvaise idée : un samedi de printemps, c’est la foule totale : nous resterons 3h dans les embouteillages, les enfants marchant à côté de la voiture, en plein parc – il faudrait que les rangers régulent mieux les flux… mais l’année est exceptionnelle pour la neige, aussi les cascades abondent, notamment la fameuse Yosemite Falls, 730m de haut quand même !

Nous avons finalement loué une maison pour le week end, à quelques kilomètres du parc, sur un golf : nous dînons donc au club-house, un peu hallucinés de ce mélange d’esprit bon-enfant (tout le monde est adorable) et de ringardise absolue (le groupe qui joue du blues-rock est impayable !).
Le lendemain, dimanche 19 donc, départ pour Sequoia Park : jolie route, et grande balade à pied au milieu des Sequoias géants, tout seuls cette fois. Tellement seuls d’ailleurs que nous récupérons un petit garçon américain de 7 ans, perdu au milieu de la forêt, un peu impressionnés par ces géants (sans compter qu’ici aussi, il y a les boîtes à ours !). Sur la route du parc, nous avons droit à une vraie scène de film américain : une voiture de rangers, gyrophares et appels de phares – on s’arrête, il ne faut pas descendre, garder les mains sur le volant, rester calme – le monsieur, fort aimable, m’explique que sur le dernier mile, j’ai dû couper 20 fois la ligne jaune continue, et que c’est mal ! Il s’assure que je n’ai rien bu, et je lui explique qu’il s’agit seulement d’éviter les courbes pour que les enfants ne soient pas malades – on en sera quitte pour un avertissement, ouf !

Pour gagner un peu de temps, et puisque nous sommes aux Etats Unis, sans risque donc, nous décidons de rouler jusqu’à Los Angeles pour pouvoir profiter de nos derniers jours à fond – réservation d’hôtel grâce au Lonely Planet par téléphone, nous pensons arriver dans le même genre de motel que nous avions à San Francisco. La surprise est de taille : c’est un vieux palace, avec un hall d’entrée digne de Grand Central – les enfants sont ébahis ! Le prix d’appel était intéressant, mais 80$ le petit déjeuner, ça fait cher du capuccino !

Deux jours à Los Angeles donc, dont le premier est consacré aux Studios Universal – nous nous amusons bien, surtout dans la balade au milieu des vrais studios (une petite larme en traversant la place du City Hall de « Retour vers le futur », un frisson en voyant le décor de crash d’avion qui a servi pour « La Guerre des Mondes ») – le lendemain, promenade sur Hollywood Boulevard, photos obligée devant les empreintes de Jack Sparrow, alias Johnny Depp (il faut dire que nous avons été voir Pirates des Caraïbes 4 à Mexico dans une salle dingue, où les sièges en cuir sont plus larges qu’une place Business chez Air France, et où on nous a servi le diner pendant la séance – pas facile de manger des sushis avec des baguettes dans le noir avec des lunettes 3D sur le nez, surtout à 7 ans !). Nous terminons notre séjour californien par une visite du Getty Museum – la collection est très belle, mais c’est surtout le musée lui même, qui nous fascine, magnifique œuvre architecturale perchée sur une colline en pleine ville, au milieu de jardins insensés – comme disait Getty lui même : « c’est facile de faire fortune : levez vous tôt, travaillez dur, et trouvez du pétrole ! ».

Le lendemain, retour à Mexico où une bonne surprise nous attend – le camping car est prêt, et fonctionne ! Jeanne trouve qu’au Mexique, on retrouve de la liberté ! Les autres aimaient bien les Etats Unis car « on pouvait jeter le papier dans les cabinets et pas dans la poubelle d’à côté comme au Mexique » !!! Nous sommes donc repartis jeudi matin de Mexico et nous traçons jusqu’à la frontière – 1900 km en 2 jours, ça a été long mais nous sommes déjà en Basse Californie et espérons passer la frontière mardi pour atteindre Las Vegas dans la journée ! On a passé la Basse Californie à toute vitesse, avec regrets d'ailleurs car la région est vraiment très belle : on alterne entre la côte Pacifique, froide et ventée, et la côte de la mer de Cortès, idyllique avec ses baies turquoises où l'on voyait nager dans une eau à 30°C dauphins et poissons de toutes sortes, sans oublier les déserts de l'intérieur, où alternent plaines, volcans et montagnes, le tout au milieu de forêts de cactus à perte de vue...

Dernière minute : ça y est ! nous sommes passés aux Etats Unis, par Tijuana – le passage de frontière a été étonnamment facile, il a juste fallu qu’on laisse deux mangues et trois patates… Comme on s’était trompé de file, on est passé avec les frontaliers, c’est évidemment plus simple ! Pas facile en revanche de laisser le Mexique, pays merveilleux, en sachant que c’est bientôt la fin de la balade ! Après une nuit à San Diego et une visite du fameux zoo (bof, bof...), nous voilà effectivement à Las Vegas - Joseph est tout guilleret au milieu des néons, des casinos et des hôtels délirants - "on va s'éclater" nous a-t-il dit en arrivant.Mieux vaut ne pas rester trop longtemps, ou il sera définitivement perdu...

lundi 13 juin 2011

Ca commence à être un peu juste…

Après la pompe à huile et la vanne EGR, c’est le tour du turbo de faire des siennes… une espèce de Zzzzzzzz de très mauvais augure qui nous coince à Mexico depuis déjà une semaine : on essaie de réparer car il faudrait un temps fou pour faire venir la pièce depuis la France. En effet, mystère des constructeurs automobiles, le Ford Transit est construit quelque part en Europe pour le monde entier, mais entre le modèle américain et le modèle européen, les ingénieurs se sont amusés à tout changer ! Pas de pièce de rechange idoine sur le continent américain donc… Les mexicains sont charmants et serviables au possible, mais fidèles à leur réputation : tout est toujours presque prêt, et puis ensuite on vous explique « lo que hay es que… mi tia se muriò » - la vieille tante a bon dos pour expliquer n’importe quel retard. Conséquence donc : depuis une semaine, et contrairement à nos plans, nous sommes coincés à Mexico. Heureusement, Anaïs, Andrès et ses parents sont toujours aux petits soins pour nous : nous sommes logés (pas très glamour de dormir dans le garage Ford) et ils nous prêtent une voiture, ce qui nous permet quelques balades en ville.

Mais comment en sommes nous arrivés là depuis notre lointain séjour à San Cristobal de las casas, en plein Chiapas ? Nous avons commencé comme prévu par un week end extraordinaire sur la côte pacifique, à Punta Zicatela, près de Puerto Escondido, où nous sommes accueillis dans la très jolie maison de vacances des parents d’Andrès – week end farniente à regarder la mer se fracasser sur la plage en énormes rouleaux, à se prélasser au bord de la piscine, à écraser quelques tarentules (beurk), à ramasser des crabes perdus dans la piscine et à fêter l’anniversaire de Joseph. Il aura d’ailleurs le plus beau cadeau d’anniversaire qui soit : alors que nous regardons la mer, Eléonore aperçoit un sillage blanc très rapide – le temps de lever les yeux, nous voyons un orque sauter, se retourner et retomber sur le dos dans une grande gerbe d’écume – waouh !
Transfert de tortues
La veille, nous étions passés à Mazunte, petit village vaguement hippie mais surtout très intéressé par l’argent des touristes, pour visiter un centre d’étude consacré aux tortues marines. Moment génial, une laborantine propose aux enfants de l’aider à transvaser des bébés tortues d’un bassin à un autre – tout le monde prend son bébé tortue dans la main, on se prend pour Greenpeace et c’est magique.

Nous avons beaucoup de mal à quitter Punta Zicatela, petit coin de paradis terrestre, mais nous décidons de suivre notre chemin, comme prévu, vers Oaxaca, ville coloniale au sud de Mexico. Comme en Colombie, la route est étroite et tournicote, mais on était prévenu et on a prévu la journée. Bien nous en a pris… En effet, à mi-chemin, et après 254 « topes », les fameux gendarmes couchés mexicains qui sont plutôt Sergent Garcia que Don Quijote pour le profil, nous nous heurtons à un barrage : les habitants d’un village indigène du coin ont coupé la route principale de l’Etat de Oaxaca pour manifester contre leur maire qui semble-t-il pique largement dans la caisse. On a assez envie de les croire, quand on voit que le village où nous sommes arrêtés, pourtant à un carrefour important, n’a pas de réseau cellulaire… Bref, les autres voyageurs bloqués semblent aussi compatissants et personne ne s’énerve, alors que l’attente durera quand même 6 heures ! Nous finissons la route pour Oaxaca de nuit, en convoi, pour terminer dans une station-service : il est trop tard pour chercher le camping.

Atelier d'alebrijes
A Oaxaca, première étape chez Ford pendant qu’Eléonore et les enfants essaient de visiter la ville – mais là aussi il y a un conflit social, et tout le centre historique est sous des bâches depuis plusieurs jours – cette fois ce sont les profs qui manifestent, et les habitants sont beaucoup moins compatissants ! Il semble en effet que la patronne du syndicat soit devenue une des femmes les plus riches du pays… Je me crois revenu en Argentine ! On ne verra donc pas grand chose de Oaxaca, puisqu’il faut marcher courbé en deux pour passer. Mais les villages des environs regorgent de richesses : Monte Alban, magnifique site zapotèque qui domine toutes les vallées des alentours,  San Bartolo et ses poteries noires, San Martin et ses « alebrijes », animaux fantastiques sculptés et peints de mille couleurs… on en profite !

L’arrêt chez Ford était nécessaire pour diverses raisons, mais nos amis ne peuvent pas réparer le turbo – pas grave se dit on, on le fera à Mexico… Et on repart donc pour Puebla, dernière étape avant de boucler la boucle du sud mexicain – quelques heures d’arrêt, le temps d’une balade, d’un musée somptueux (les enfants sont même contents de retrouver des objets pré-hispaniques après tant d’art colonial !) et d’une tentative gastronomique autour du « mole », étonnante sauce locale à base de chocolat et de multiples épices.

Nous revenons donc à Mexico, déposons le camping car dans un estacionamiento et retrouvons Anaïs et Andrès qui nous emmènent passer le week end à Valle de Bravo, le Côme local : l’ambiance est en effet très « lac italien », y compris la balade en Motorcraft, le Riva mexicain. C’est bien agréable, d’autant que nous faisons aussi connaissance d’amis à eux, architectes également, qui viennent de se faire construire une maison tout en béton et verre, dominant le lac, avec jardin potager sur le toit ! Nous fêtons aussi la fin du CNED ! Les enfants ont fait leur année scolaire en 6 mois, et nous venons de recevoir les avis de passage - Ouf !!!

Au musée !
De retour à Mexico, entre deux visites chez Ford, nous en profitons pour faire quelques balades, notamment au Chateau de Chapultepec, la demeure de l'empereur Maximilien,  envoyé puis sacrifié par Napoléon III, et surtout au musée d'art populaire et à sa fabuleuse boutique d'artisanat ! On croise là bas toute la créativité des mexicains (poteries, verre, sculptures, ex votos, fer blanc martelé, tissus...) et leur génial sens de l'humour décalé autour de la mort : au Mexique, tous les personnages, toutes les scènes importantes, sont mises en scène avec des squelettes à mourir de rire - on adore ! On repasse voir aussi la maman d'Andrès dans sa maison d'édition où les enfants se plongent dans les livres qu'elle édite, pour son grand bonheur. De retour le soir dans la maison où nous sommes logés, Joseph organise de grandes parties de "pinatas" avec les enfants de Mary et Bellie qui travaillent pour la famille : on remplit des figures de papier de bonbons, on les accroche, on tape sur tout cela avec un bâton en chantant une chanson, jusqu'à explosion de la figure et la chute des bonbons !

Comme je le disais plus haut, nous passons donc la semaine à attendre la réparation du turbo, et vendredi (le 10 juin), ça y est, nous repartons, heureux de reprendre la route. Mais patatras, après 2km, nous faisons demi-tour : le moteur fait plus de bruit qu’avant…  Alors que samedi matin il est évident que le week end ne suffira pas, nous décidons de partir voir les villes coloniales du Nord : quitte à être en retard, autant en profiter ! Nous venons donc de passer deux jours à San Miguel de Allende et Guanajuato (il faut entendre le GPS prononcer ces noms avec un impayable accent français), bijoux coloniaux. San Miguel est aux mains des américains en villégiature, très beau, mais un peu trop figé alors que Guanajuato déborde de fantaisie et d’énergie, avec ses mariachis à tous les coins de rue (il faut avoir entendu le mélange de My Way et de Guantenamera, les deux à la trompette, sur la place de la ville !) - Guanajuato est aussi une ancienne ville minière, sorte de Potosi mexicain, et est percée de mille tunnels désormais routiers, un vrai dédale dans lequel on se perd complètement, c'est assez amusant (jusqu'à un certain point !). Entre San Miguel et Guanajuato, nous prenons aussi le temps de nous arrêter au Sanctuario de Atotonilco où, dimanche oblige, un véritable marché de bondieuseries se tient pour les pélerins, tous mexicains : au programme, ceintures de discipline en crin et couronne d'épines ! On se croirait revenu au temps de l'Inquisition... Une petite dame demande même à Eléonore de la "parrainer" en lui achetant une ceinture de crin pour qu'elle puisse entrer dans le sanctuaire !

Demain, verdict sur le camping car, et nous espérons reprendre la route pour attraper le ferry qui nous emmènera en Basse Californie jeudi, avec 10 jours de retard sur un planning qui a déjà un mois de décalage ! Il va falloir faire des choix aux Etats Unis : ça commence à être un peu juste…

Dernière minute : décision draconnienne - il faut réellement changer le turbo, la réparation ne marchera pas. Ford fait donc venir une pièce de France, il y en a pour 8 jours. Notre timing est trop serré : nous décidons donc de partir faire un aller-retour en Californie que nous n'aurons sinon pas le temps de visiter. Retour prévu dans une semaine pour reprendre la longue route vers New York.

jeudi 26 mai 2011

Un vrai festival...


Comme nous le laissions entendre dans le précédent article, la tentation de fondre sur l'artisanat local était grande, et nous n’avons pas résisté 40 jours : nous voilà à San Cristobal de las Casas, au Chiapas, et nous passons d’échoppes en marchés, l’artisanat mexicain est absolument inimaginable de richesse, de couleurs, de créativité, d’humour aussi - les crânes et squelettes décorés et mis en scène sont omniprésents, avec un décalage ironique très amusant.

Nous avons donc laissé la péninsule du Yucatan derrière nous après une halte reposante au bord de la mer turquoise – première expérience familiale de snorkeling dans une mer un peu agitée, mais tout le monde résiste vaillamment, malgré un masque récalcitrant pour Eléonore, et le spectacle est plein de couleurs, avec des poissons extraordinaires – on se croirait en plein Nemo, même si le guide avait un peu survendu la chose en nous évoquant des tortues. Ceci dit, alors que j’envisageais de me baigner à la nuit tombée, les pêcheurs m’en ont dissuadé : la veille, une raie manta avait piqué un jeune garçon, à quelques mètres de la plage !

Nous sommes donc repartis vers le sud puis l’est, en contournant Belize et Guatemala pour rejoindre le Chiapas. Petite halte le long d’une lagune, Bakalar, d’un bleu aussi turquoise que la mer, et nous atteignons la frontière du Chiapas et l’entrée de la route pour les ruines de Calakmul. Nous ferons l’impasse, malgré la tentation de voir les pointes des pyramides surgir de la jungle, mais nous faisons une petite visite à celles de Becàn, sur la route. Encore une fois nous sommes seuls, mais nous nous surprenons à jouer un peu les blasés… Le lendemain en revanche, dimanche dernier 22 mai, nouveau choc esthétique à Palenque – le choc est aussi thermique, nous avons trouvé plus amusant de faire la visite à 14h, il fait plus de 40°C ! Cette fois, pas de guide, et c’est une erreur car le site est très bien conservé et complet, et nous semble plus « vivant » - aussi nous nous infiltrons dans un groupe de français en voyage organisé qui nous accueille gentiment. Heureusement, le camping que nous rejoignons ensuite (il n’est pas question de dormir dans la nature au Chiapas) bénéficie d’une piscine (chauffée…) où les enfants enchainent les pirouettes. Le site est tranquille, semble-t-il, et nous observons avec émotion des centaines de lucioles qui clignotent dans le crépuscule lorsque soudain il nous semble qu’une famille de jaguars nous attaque ! C’est une bande de singes hurleurs, avec bébés craquants et patriarche imposant, qui se promène au dessus de nos têtes – ils sont timides mais très bruyants et leurs cris nous accompagneront toute la nuit !

Nous repartons pour une petite route de 200 km vers San Cristobal de las casas, vers le sud, à mi chemin du Pacifique – on se croirait revenus en Colombie : 6h pour les 200 km – la première partie tournicote, soit, nous prenons notre mal en patience en nous arrêtant déjeuner près des cascades d’Agua Azul (très bien nommées), avec baignade à l’appui mais lorsque la route redevient un peu plus droite, ce sont les "topes" qui prennent le relais ! Les sud-américains aiment bien mettre des ralentisseurs à l’entrée des villages, mais les mexicains ont élevé le gendarme couché au rang de religion ! Il y en a à l’entrée, au milieu, à la sortie de chaque hameau – parfois même au milieu de nulle part, parfois signalés, parfois pas du tout, et souvent hauts comme des trottoirs ! Et quand ce n’est pas un vibreur (plutôt un massacreur d’amortisseurs), ce sont les gamins des villages qui tendent un fil en travers de la route pour essayer de vendre qui un épi de maïs, qui une mangue – ils sont charmants, mais seulement les trois premiers !

Nous voilà donc à San Cristobal de las casas, fief de l’EZLN, l’armée rebelle dont le sous-commandant Marcos est le héraut. On n’a pas senti sur les routes du Chiapas de tension particulière, il semble que la guérilla ait perdu de son influence, mais il y a quand même une présence militaire importante. Et à San Cristobal, la prose révolutionnaire s'affiche en toute quiétude – on se demande si ce n’est pas devenu un attrait touristique pour la région… La ville n’a pourtant nul besoin d’une telle publicité car elle se suffit amplement à elle-même : coloniale, colorée, entourée de villages indiens et donc (très) riche d’artisanat… Nous visitons une maison-musée d’un couple d’ethnologues-photographes-archéologues, passant de patio en patio à regarder les vieilles photos et les objets traditionnels des communautés indigènes. Les enfants adorent, peut être à cause des tortillas et du guacamole ! Presque par hasard, en tout cas juste parce que c’était sur le chemin, nous nous arrêtons dans un atelier de fabrication de papier (soit à base de carton recyclé, soit à base de fibres des arbres et arbustes de la région) – c’est une activité communautaire, coopérative de femmes indigènes et le résultat est magnifique de couleurs et de matières. La production ne s’arrête pas au papier, car l’atelier est aussi une maison d’édition d’œuvres picturales et poétiques – après Tecolote à Mexico, c’est un joli clin d’œil. Nous avons droit à une visite guidée de l’atelier, avec explication de tout le processus, de la récolte de cartons, de feuilles et de fleurs jusqu’à la presse et au séchage – il y a même un vélo-malaxeur dont le pédalier permet de broyer la pulpe des plantes, sur lequel Marthe fait des prouesses. On suit une équipe sérigraphiant des mains argentées sur du papier brun, c’est magnifique.

Et puis nous filons vers le village tout proche de San Juan Chamula : c’est une communauté qui a élaboré une religion très syncrétique entre les anciennes croyances et rituels mayas et le catholicisme – le résultat est surprenant, et très beau. L’église toute blanche, arbore des décorations multicolores de fleurs et d’étoiles, symbolisant le soleil et la nature. Mais la vraie surprise est à l’intérieur : pas de siège, un sol entièrement recouvert d’épines de pin fraiches sur lesquelles sont installées les familles, entourées de bougies, apportant leurs offrandes (œufs, poules, bouteilles de coca…), psalmodiant en langue maya. Sur les côtés, tous les saints sont alignés, chacun dans une châsse, prêts à sortir pour une petite procession à la première occasion – on y aperçoit « Jesus mayor », « Jesus menor » (lequel est le bon ? Il y en a un qui arbore de magnifiques dreadlocks, ce doit être lui !) – il y a aussi une Vierge qui doit être la patronne des pharmaciens locaux, car elle est entourée de guirlandes lumineuses clignotantes vertes ! Au dessus de l’autel, c’est Jean Baptiste qui trône, le Christ est relégué sur les côtés – et toute l’église-temple est illuminée de centaines de bougies. Ceci dit, la ferveur des habitants, alors qu’il n’y a pas de cérémonie en cours, force le respect et nous nous faisons tout petits – il est absolument interdit de prendre la moindre photo dans l’église, et fortement recommandé d’éviter de photographier les habitants, au risque de leur voler leur âme, ce qui serait, avouons le, assez déplacé !

Demain, départ vers le Pacifique avec une halte au canon du Sumidero, où nous devons faire une balade en bateau entre deux falaises de 800m et en pleine jungle…

vendredi 20 mai 2011

Quelle richesse !


Voilà donc plus d’une semaine, presque dix jours, que nous avons laissé le blog car les journées sont trop courtes !
Nous terminons notre séjour à Mexico DF (pour District Fédéral) le lundi 9 par une visite au mythique site de Teotihuacan – heureusement, le GPS nous guide dans la ville tentaculaire et nous montons sur nos premières pyramides, au grand plaisir de Joseph qui attendait cet instant depuis des semaines – le site est très beau (vous verrez que cette phrase reviendra souvent dans les lignes qui suivent !), les deux pyramides de la lune et du soleil sont intactes et magnifiques, la civilisation de Teotihuacan est très ancienne – nous comprenons avec intérêt que la méso-amérique est un lieu où la civilisation est née spontanément, où les cultures se sont enchainées, très distinctes mais avec certains points communs aux 4000 ans d’histoire : le jeu de balle, les sacrifices humains, l’écriture, certains dieux que l’on retrouve tout au long de cette période, mais aussi l’absence de roue et de métal dur.

Après Teotihuacan, nous rendons avec moults remerciements voiture et maison aux parents d’Andrés et recommençons notre périple, en commençant par une journée de bus pour rejoindre Veracruz, sur le golf du Mexique, où nous passerons 3 nuits et deux jours à gérer pour ma part les démarches administratives et autres visites anti-narcos tandis que les enfants jouent dans la piscine de l’hôtel et avancent leur CNED avec Eléonore. Elliott sort vaillamment du port le jeudi matin 11 mai – il n’y a pas eu d’effraction ni de vol dans la partie cabine, car nous avions pris la précaution de réinstaller une séparation de fortune que Manu avait bricolée l’an passé mais la partie avant a été pillée car nous y avions imprudemment laissé un peu de bazar : pied d’appareil photo,  petit sac à dos, 3 paires de chaussures, du matériel pour les pneus, et surtout une petite sculpture en bois de Formosa en Argentine, offerte par Christoph au début du voyage – nous enrageons de notre naïveté et de cette incroyable propension que les gens ont à se servir – pire, ils ont décollé tous les drapeaux des pays que nous avions visités que les enfants avaient tant de plaisir à coller sur le côté du camping-car. C’est vraiment bizarre…

Peu importe, nous voilà repartis sur les routes, bien heureux car Veracruz n’a aucun intérêt. Nous filons donc vers l’est en direction du Yucatan, et nous faisons halte deux nuits à la frontière entre l’Etat du Tabasco et celui du Chiapas, chez Bruno et Aura qui tiennent une guest house magnifique. Nous faisons une halte culinaire car Aura est une excellente cuisinière et donne des leçons : Eléonore et les filles apprennent à faire les tortillas, à cuire des légumes inconnus chez nous, à préparer des sauces plus ou moins piquantes, et cela nous vaut un festin que nous partageons avec nos hôtes, dont un des fils vit à Sarlat – question gastronomie, ils sont servis dans la famille ! Nous visitons un petit village du coin, Tlacotalpan, patrimoine de l’humanité, sur son fleuve, plein de maisons coloniales colorées – l’ambiance nous rappelle Mompox, en Colombie…

Enfin, après deux jours de voyage, une nuit supplémentaire à Villahermosa sur un parking d’hôtel, une visite dans un zoo déprimant et une autre dans un parc archéologique olmèque magnifique (les sculptures olmèques sont exposées dans leur environnement naturel, la jungle – c’est Tintin qui rencontre Indiana Jones…), nous arrivons à Campeche. On peut dire que ça commence fort : la ville, coloniale, entourée de remparts, nous rappelle vraiment Carthagène, en plus petite mais encore plus colorée, et nous faisons notre entrée en territoire maya à Edzna : au petit matin, absolument seuls sur le site, nous tombons sous le charme de ces premières pyramides et esplanades mayas, taillées dans une pierre calcaire blanc-rosée qui prend la lumière du soleil. C’est magique !

En relisant le périple que Andrés et Anaïs nous ont proposé, nous réalisons que cela nous mènerait aux Etats Unis vers la fin décembre… Il va falloir choisir, et choisir, c’est mourir un peu… Nous accélérons encore le rythme, mais c’est clair, nous ne verrons pas la douzaine de sites prévue ! Après Campeche, nous filons donc vers le nord, pour une journée bien dense : route, visite d’Uxmal, autre grande capitale maya subjugante, visite d’une hacienda à Yaxcopoil, dont l’ancienne splendeur n’a d’égale que la décadence actuelle (on se prend à rêver de reprendre tout cela en main car la maison est extraordinaire), passage par Merida, autre ville coloniale, et arrivée tardive à Chichen Itza, pour un son et lumière qui sera finalement joué par la nature : il tonne, gronde et pleut pendant 10 minutes, juste le temps de tout annuler – décidément, les éléments ont quelque chose contre nous cette année…

Nous décidons donc de continuer et après une nuit en bord de route à compter les camions comme d’autres compte les moutons, nous visitons Chichen Itza, la si fameuse car si bien conservée. Nous arrivons à l’aube pour éviter le monde, bien nous en prend – à 11h, il fera 38° à l’ombre et les cars arriveront par dizaine. Un peu comme au Macchu Picchu, nous restons sur notre faim – sans doute à cause du guide, vraiment trop dilettante, et des vendeurs de souvenirs en tout genre qui pullulent partout sur le site, c’est dommage pour un site si connu, mais Saint Paul de Vence et le Mont Saint Michel en font autant… Nous partons donc vers l’est de la péninsule du Yucatan, côté mer des Caraïbes, en évitant soigneusement Cancùn, et nous arrivons à Tulum, pour une deuxième visite maya dans la journée. Cette fois, gros choc ! Après un instant de frayeur (la zone d’entrée est un vrai Disneyland), nous sommes rassurés : contrairement à Chichen Itza, les vendeurs n’ont pas droit de cité et le site est merveilleusement préservé – c’est une série de temples perchés juste au dessus de la mer des Caraïbes et de son lagon bleu fluorescent – waouh… Nous finissons la journée dans un camping – coopérative de pêcheurs, sur la mer…

Nous nous amusons après chaque visite à classer les sites mexicains par ordre de préférence, et Tulum a bouleversé le dernier classement ! Le Mexique tient vraiment toutes se promesses, d’autant qu’on n’a pas encore évoqué l’artisanat local : il va sans doute falloir transformer une bannette en grenier, ou acheter une remorque à Elliot, car la tentation est grande ! Nous allons donc finir ces jours-ci notre tour express du Yucatan et du Chiapas mayas, et puis nous déciderons s’il est encore temps de faire une incursion au Guatemala, ou bien si nous partons directement pour la côte Pacifique avant de remonter à Oaxaca – advienne que pourra !

mardi 10 mai 2011

Adieu le Sud, bonjour le Nord !


Et voilà, après 5 mois passés en Amérique du Sud, nous venons d’embarquer le camping-car à Carthagène pour le Mexique, et nous avons sauté dans un avion pour Mexico. Mais reprenons le cours de nos aventures là où nous l’avions laissé, c’est à dire à notre arrivée à Carthagène des Indes, sur la côte Caraïbes de la Colombie, à Pâques.

Nous sommes donc accueillis par nos amis Pierrot-Zago (sans T final, merci !), et après quelques négociations avec les gardiens, nous garons notre vaillant Elliot au bas de leur immeuble. Nous avions connu Thomas et Peggy à Buenos Aires, où leur grande fille Dillane était la super copine de Marthe – après une demi-seconde d’appréhension en montant l’ascenseur, les filles se retrouvent comme si elles s’étaient quittées la veille, et nous plongeons dans la piscine (non sans être passé par la mer juste avant !).
Le week end de Pâques se passe en toute quiétude, entre coktails au maracuya, fléchettes, plage et/ou piscine, et quelques balades entre et sur les ramparts du « casco historico » de Carthagène, merveille coloniale. Nous fonctionnons comme Thomas et Peggy, les enfants s’entendent à merveille, les paires se forment et se transforment au gré des jeux, sans aucune dispute. Nous découvrons le régime Celiac avec Peggy : on a en effet diagnostiqué cette maladie, une intolérance lourde au gluten, à presque toute la famille – le problème, c’est qu’il y a du gluten partout, car les aliments industrialisés utilisent très souvent le blé comme base pour leurs excipients. Il faut être très prudent, car l’intestin se reconstruit très lentement, mais se détériore très rapidement au moindre contact avec le gluten. Nous avions découvert la maladie en Italie, où le dépistage infantile est systématique, alors que la France est très en retard sur le sujet. Bref, nous nous adaptons au régime, et nous réussissons même à dîner tous ensemble au restaurant autour de nos chers Ceviche, délicieuses marinades de poisson cru.

Les Pierrot-Zago sont à Carthagène car ils sont tous les deux spécialistes de l’élevage et de la transformation de la crevette, dont nous ferons force dégustations ! Après le week end de Pâques, nous partons, sans Marthe qui reste avec sa copine, pour une virée sur la côte – rien de spécial à Santa Marta ni à Taganga, si ce n’est que Joseph séduit sans le vouloir les petites filles du camping. Taganga est un petit village à la réputation surfaite, où la moitié des jeunes israéliens vient y fêter la fin du service militaire – le reste de la population est composé de vieux babas-cool sur le retour (voire franchement revenus…). Mais nous continuons quelques kilomètres plus au nord vers le parc naturel de Tayrona où les cocotiers et les plages blanches sont vraiment au rendez-vous.

Après une longue marche à travers la jungle, où nous croisons une jolie famille de singes, nous arrivons sur les plages baignables, le début du parc étant dangereux à cause des puissantes vagues qui tirent les nageurs vers le fond. La baignade est agréable, la mer transparente, avec poissons turquoises et chasse aux crabes. Le retour se fera à marche forcée, car la nuit tombe et le chemin n’est pas très balisé – nous croisons des araignées, des crabes bleus de cocotiers, des chenilles de 20 cm, des papillons immenses,  au son de la forêt, et les enfants font très bonne figure. Jeanne joue avec délice son rôle de sœur ainée en aidant et en divertissant Joseph pendant toute la randonnée. Nous dormirons au milieu des hululements magiques et plongerons à nouveau le lendemain matin dans l’Atlantique, que nous retrouvons avec joie après l’avoir laissé en Patagonie, avant de repartir vers Carthagène pour retrouver Marthe et régler l’organisation du transport d’Elliot.

En raison de l’imprécision des horaires des cargos, nous ne prenons pas le risque de monter jusqu’à la pointe nord du continent, le désert de la Guajira, qui a pourtant l’air exceptionnel avec ses plages de sable orange donnant sur la mer turquoise. En effet, nous ne savons pas exactement quand le cargo partira, et nous décidons même de changer de bateau : le premier aurait amené Elliot sur le port de Veracruz en plein week end, et nous ne souhaitons pas tenter le diable en offrant aux douaniers mexicains l’opportunité d’une visite sans nous !

Il faudra plusieurs jours pour organiser tout cela, entre retards, papiers administratifs (heureusement, nous utilisons les services d’une agence charmante qui nous aidera beaucoup dans les démarches) et surtout visite de la police anti-narcos : il faut s’assurer que nous ne transportons pas de stupéfiants. Comme d’habitude en Colombie, les policiers, lourdement armés et chargés en plein cagnard, seront pourtant charmants et très intéressés par notre voyage – la visite est approfondie et professionnelle, ils vident tous les placards et coffres, mais remettent très gentiment tout ce qu’ils touchent à sa place. Entre temps, les enfants alternent entre CNED et piscine chez les Pierrot-Zago, où les soirées continuent d’être agrémentées de coktails et de parties endiablées de fléchettes !

Finalement, jeudi matin aux aurores, ou même avant car le réveil sonne à 3h30, alors que Elliot doit embarquer dans le bateau, nous prenons l’avion pour le Mexique, avec un mois et demi de retard sur notre planning initial, et en souhaitant que le cargo soit bien arrivé ! Le voyage est sympathique, Joseph continue d’adorer les « petits guilis au zizi » que provoquent les turbulences. Nous arrivons à Mexico dans l’après midi de jeudi, gonflés à bloc à l’idée de découvrir ce pays qui nous attirait tant.
Nous avions pris contact avec Anaïs et Andres, un couple franco-mexicain de jeunes amis, en espérant les voir à Mexico – Anaïs, comme ses trois sœurs, est une ancienne élève de piano d’Eléonore, et Andrés, son mari, est mexicain et architecte.  Nous avions été à leur mariage à Paris il y a quelques années. Nous pensions passer quelques jours à l’hôtel à côté de chez eux, mais Andrés nous propose de loger dans la maison de ses parents, et de nous prêter leur voiture pour la durée de notre séjour ! Encore une fois, l’hospitalité et la générosité des gens que nous rencontrons est extraordinaire. Nous sommes donc installés à la limite de la ville, dans une magnifique maison, avec une voiture à disposition (ce qui est quand même indispensable dans cette ville tentaculaire de plus de 20 millions d’habitants), et nous passons le week end avec Anaïs et Andrés, avec leurs deux adorables petits garçons, les filles jouent aux baby sitter, Joseph au grand frère.

Première destination, le musée national d’anthropologie, qui présente la complexe histoire des civilisations de la méso-amérique depuis 2500 av. JC. J’avais visité le musée lors d’une réunion Danone au Mexique il y a deux ou trois ans et j’avais été fasciné. Nous y resterons plus de 6 heures ! Les enfants sont fatigués mais enchantés, les pièces présentées sont incroyables, en particulier dans la salle de la plus récente, de la plus organisée et de la plus sanguinaire de ces civilisations, les Aztèques – nous voyons des poteries, des pierres taillées, des costumes, des sculptures, et surtout le fameux calendrier solaire aztèque, en réalité énorme pierre autel pour les sacrifices humains quotidiens que pratiquaient ces prêtres-guerriers. C’est une parfaite introduction aux prochaines semaines, au cours desquelles nous allons passer de ruines olmèques en cités maya – nous avons hâte de découvrir tout cela, dans un pays qui nous enchante déjà. Pour faire bonne mesure, la journée de samedi est consacrée d’abord à la rencontre avec les parents d’Andrés, qui nous ont ouvert leur maison et leurs bureaux : Cristina est éditeur, essentiellement de très beaux livres pour enfants (pour les amateurs elle a gagné le grand prix de la foire de Bologne, une grande récompense dans le milieu), elle vient très souvent à Paris, en particulier chez Chantelivre où Marthe rêve de travailler ! Nous nous amusons en découvrant que nos ancêtres se côtoyaient sûrement il y a plus de deux siècles : Talleyrand pour eux, Sieyès pour nous. Après le déjeuner, nous partons tous ensemble vers le sud de la ville pour découvrir deux quartiers anciens et animés, San Angel et Coyoacàn, avec places et ruelles fleuries, maison typiques et marché artisanal traditionnel.

Dimanche enfin, après un copieux petit déjeuner typique, nous partons visiter le centre historique de la ville – il y a une marche pour la paix dans les rues, grande manifestation contre la violence immodérée qui se développe dans le pays sous l’influence des narco-traficants. Anaïs, Andres et les enfants sont vêtus de blanc pour l’occasion, même si nous ne faisons que flirter avec la manifestation, pour aller voir une magnifique exposition de photos de Flor Garduno, grande artiste mexicaine, dans l’ancien collège jésuite. Après une balade dans le centre historique, autour du Zocalo, entre la cathédrale et les ruines du templo mayor, nous finirons la journée chez un couple d’expats de Danone, amis de nos amis Lacombe, pour un apéro au Corton et au reblochon qui nous font l’effet « madeleine de Proust » !

En quelques jours, nous sommes tombés sous le charme du Mexique que nous découvrons dans des conditions parfaites grâce à la gentillesse de nos hôtes – il nous faudra revenir, car en établissant un programme avec Andrés pour nos prochaines semaines, nous réalisons qu’il faudrait 10 ans pour tout voir ici !

mardi 26 avril 2011

De la Normandie à la Jamaïque…


Et oui, après quelques jours en Colombie, Eléonore a estimé qu’il n’y avait aucune différence avec la Normandie : c’est vert, il pleut tout le temps, il y a des vaches et des péages partout ! Heureusement, la comparaison s’arrête là !

Nous avons donc laissé Bogotà il y a une grosse semaine, et nous sommes partis pour le Nord du pays – en alternant routes compliquées et pluies diluviennes, nous arrivons finalement dans le premier village colonial au nord de Bogotà, première de plusieurs étapes qui iront crescendo : Villa de Leyva est un village tout blanc, avec une place gigantesque et vide, mais malheureusement trop près de Bogotà pour être réellement authentique. Nous poursuivons donc vers Barrichara, 5h plus au nord (200 km…), autre bijou colonial, plus authentique, plus lieu de villégiature que d’excursion – à chaque fois, nous dormirons dans la rue, en toute tranquillité. Mais la destination réelle, chaudement recommandée par les Corbasson depuis un an, est Mompox, qu’il nous faudra encore 2 jours pour atteindre. Mompox, peu connu des touristes étrangers car bien difficile d’accès (on quitte la route pour de longues heures de « ripio », mélange de terre battue détrempée et d’ornières caillouteuses), est une ville coloniale et tropicale, perdue sur une île du Rio Magdalena, le principale cours d’eau du pays qui s’étend ici en un large marais. Après une amusante traversée du rio sur un « ferry », c’est à dire un radeau de tonneaux qu’il faut écoper pendant les quelques minutes que durent la traversée, nous arrivons à Mompox. 
Le "ferry" !
Les faubourgs sales ne laissent pas présager du choc que nous aurons : la ville est extraordinaire, plus encore par son ambiance que par ses monuments, encore que l’architecture coloniale, blanche, soit magnifique. Nous serpentons entre les rocking-chairs, en nous promenant dans les ruelles. La police, toujours aussi accueillante et chaleureuse, nous indique une station-service un peu à l’écart, ouverte et éclairée toute la nuit, où nous serons au calme.

La nuit confirme tout le bien que l’on nous a toujours dit des Colombiens : à 3h du matin, une bande de 15 petits jeunes débarque avec un gros 4x4 à la sono surgonflée, pour faire la fête sans déranger les voisins : pas de chance, on était là ! Je m’approche doucement, échaudé par une première expérience difficile au Chili, pour leur demander s’ils vont rester toute la nuit, auquel cas nous changerions de lieu – contre toute attente, la petite bande, pourtant passablement éméchée, me propose très vite de s’éloigner car me disent ils « vous, vous êtes responsables, vous avez une famille, nous, on est des irresponsables : c’est à nous de bouger ! » Et ils rajoutent gentiment « on veut que vous ayiez une bonne image de la Colombie, merci de nous rendre visite », et aussitôt dit, aussitôt fait, ils déguerpissent, non sans m’avoir offert une petite bière ! On n’ose pas imaginer la même scène en banlieue parisienne…

Au cimetière
Le lendemain, mercredi, nous continuons notre promenade dans les rues tranquilles et Eléonore entre dans une maison coloniale ouverte et qui semble être un édifice public – erreur, c’est une maison privée, dont le propriétaire, Don Enrique, nous ouvre gentiment les portes – nous resterons avec eux pendant deux jours extraordinaires ! Il nous fait tout d’abord les honneurs de sa maison, non sans nous offrir un rafraichissement, puis nous invite à déjeuner. Le soir, balade dans les rues très festives (c’est la semaine sainte), et nous tombons sur des groupes afro-cubains qui dansent et jouent de la musique dans les édifices coloniaux, avant de rejoindre Don Enrique au cimetière : c’est le mercredi saint, et il y a une sérénade aux morts – toute la ville est là, de blanc vêtue, le cimetière brille de bougies, la fanfare sonne la sérénade, c’est inimaginable ! Maria Cristina, la fille de Don Enrique,  et son novio Jonathan sont aussi là, et nous proposent une balade en barque pour le lendemain matin sur le rio, que nous acceptons avec joie. Pour la promenade, nous rejoignent « des amis », Irene, Duncan et leur fille Sarah, juste arrivés de Medellin – au programme, singes hurleurs, oiseaux de toutes sortes, iguanes, tout cela dans une atmosphère de Louisiane. Bien entendu, nous sommes invités à déjeuner, la convivialité et l’hospitalité sont légendaires en Colombie. Au cours du déjeuner, nous comprenons où nous sommes tombés : l’autre fille de Don Enrique est la brue de l’ancien président Uribe, dont nous avons suivi les noces en lisant des vieux « Jet Set » quinze jours auparavant avec Wendy et François… Quant à Irene, elle est la gérante de El Mundo, Le Monde local – ses frères sont des hommes politiques très importants dans le pays, l’un d’entre eux ayant été malheureusement assassiné par les FARC il y a quelques années, et son père est le patron de la plus grande coopérative laitière du pays… Ces gens sont extraordinaires, d’une simplicité et d’un accueil fantastiques. Le soir, ils nous emmènent à la grande procession du Jeudi Saint, après une messe de deux bonnes heures ! La procession, comme dans les villages espagnols, est magnifique : nous sommes sur le balcon de la maison d’autres amis (!), aux premières loges – nous suivons les 10 chars qui relatent les épisodes de la Cène au chemin de Croix, portés par des centaines de pénitents du village – une expérience inoubliable. Le président Santos viendra même le lendemain à Mompox tant la réputation de la Semaine Sainte y est importante.
La procession

Nous avons malheureusement promis à Marthe de quitter Mompox le lendemain, car elle est impatiente de retrouver son amie Dillane qui nous attend à Carthagène, et nous laissons Enrique déçu que nous ne restions pas pour la procession solennelle du Vendredi Saint, dont il est le gardien de la figure de proue, une magnifique Virgen Dolorosa « de la Soledad »  et qui part de sa maison (nous avons aussi assisté à la préparation du char de la Vierge dans le jardin). Nous voilà de nouveau sur un bac de fortune, puis sur une route tout autant de fortune : après 5h de cahots, nous rejoignons la route principale, puis Carthagène à la tombée de la nuit.

Changement d’ambiance : nous retrouvons nos copains de Buenos Aires, Thomas et Peggy, et leurs filles Dillane, Alexanne et Julia (sans oublier chien et chats !), qui ont quitté l’Argentine il y a un an pour retrouver leurs chers tropiques, et leur boulot dans l’élevage de crevettes. Là, vive les vacances ! Journée entre la mer et la piscine, où nous admirons les prouesses des chirurgiens esthétiques colombiens en rigolant, balade dans la ville de Carthagène, sorte de Saint Malo tropical : des remparts pour se protéger des pirates anglais et français, et une vieille ville, mais toute en couleurs et en musique ! Nous décidons de faire un vrai break dans le CNED, jusqu’à la fin des vacances des filles, lundi soir. Nous profitons une dernière fois de Jonathan et Maria Cristina qui sont repassés par Carthagène avant de rentrer à Bogotà, et puis nous préparons l’embarquement du camping car pour le Mexique, qui devrait avoir lieu lundi prochain : cette semaine, c’est cocotiers et plages blanches pour un dernier adieu à l’Amérique du Sud !